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Vanity Fair, July 1993
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Sometimes, as a cranky critic once observed, the artistic calling is best left on hold. But not when the caller is François de Watteville. The 29 year-old French born New Yorker will probably have built the telephone. de Watteville came to Manhattan some seven years ago and studied architecture and design. He was making well-mannered abstract paintings when the possibilities of an ordinary domestic device attracted his attention. He embedded the working parts in a chairlike object of silver leafed wood. "That was my first machine, he says, "a clock." That was in 1989. His next move appears culturally foreordained, because there does seem something peculiarly Gallic about the telephone. Cocteau wrote a telephone play; Dali made a telephone object. Where would film noir be without the telephone? "It is such an honest machine," de Watteville says. "And it's the machine you use the most." He has now made dozens of telephones in exotic and very different styles. The electronics come from gutted commercial phones, but he carves all other working parts from wood he favors pine and spruce. ''But when I need a really a strong part I use oak or poplar,'' he says. They sell for several thousand dollars each. Last year was the first year I really sold,he says. ''It started by word of mouth, like people I met on planes." Oh, there's one more good thing. You won't see anybody using a de Watteville phone while walking up the street. Yet. HARRY HOMBURG |
Editions les Musees de la ville de Strasbourg 1994 LA TENTATION DE L' OBJET by ETIENNE MARTIN
A la vue des téléphones de François de Watteville on ne peut s'empêcher de songer au Télephone homard de Salvador Dali ( 1936), aux objets surréalistes avec leurs implications du côté du jeu, du bricolage, du hasard objectif, de l'humour, de la psychanalyse, tous à la "limite-non frontière" du reel et de l'imaginaire. En septembre 1924, André Breton désigne, dans son Introduction au discours sur le peu de réalité de fabriquer, "certains de ces objets qu'on n'approche qu'en rêve et qui paraissent aussi peu défendables sous le rapport de l'utilité que sous celui de l'agrément". Le dépaysement complet que permet d'atteindre la surréalité émane en particulier du caractère irrationnel qu'acquièrent les objets mis en uvre. Désir et rêve véhiculés par l'objet trouvé, confronté à d'autres selon le principe du collage, ajoutent une dimension affective au passage du monde extérieur au monde intérieur. Le geste de Duchamp, qui transplante un objet manufacturé du bazar au musee, avec la Roue de bicyclette (1913) et le Porte-bouteilles (1914), transforme la nature du jugement esthétique. Marcel Duchamp introduit l'objet dans le champ artistique dont il remet en question les limites. Depuis les artistes n'ont de cesse de repousser plus loin ces limites par l'accaparement du reel notamment. Les annces 60, avec le Pop Art aux Etats-Unis (Claes Oldenburg, Jim Dine, Roy Lichtenstein, Andy Warhol) et le Nouveau Réalisme en France (Yves Klein, Arman, César, Daniel Sprri, Martial Raysse, Niki de Saint-Phalle, Jean Tinguely), sont placees sous le signe de l'objet. Emprunté à la société de consommation celui-ci se mue en trompe-l'il de ready-made chez les artistes américains; il sert à illustrer la question du rapport de l'art et du rcel pour les nouveaux réalistes (accumulation chez Arman, compression chez César, machineries chez Tinguely). Le mouvement Fluxus et l'Arte Povera entretiennent une relation avec la réalité par l'assemblage et le bricolage d'éléments pauvres à dimension symbolique. Avec les annces 80 I'objet marque un retour en force. L'emploi qu'en font les artistes résume son parcours dans l'art depuis Duchamp. Julian Schnabel affirme un attachement indéfectible aux images, Richard Baquié renoue avec la tradition des machines absurdes, Tony Gragg constitue une archéologie contemporaine à partir d'objets collectés, Bertrand Lavier se situe aux côtés de Duchamp, tout comme Haim Steinbach à ceux de Warhol, Jeff Koons enchâsse ies aspirateurs telles de précieuses reliques, Robert Gober approche le reel en simulant des objets entretenant une relation avec le corps humain. Le désir des artistes à se saisir ainsi du reel à travers le siècle, amenuise progressivement la réalité du reel et accomplit une tâche démystificatrice par rapport aux genres de l'esthétique classique. Peut-on parler de ready-made au sujet des télephones de François de Watteville ? L'utilisation systématique d'un appareil banal et standard par l'artiste nous pousserait à le faire. Cet objet, en raison même de sa fonctionnalité, déplace le discours dans un audacieux renversement vers le concept duchampien du ready-made réciproque que Duchamp définissait par la formule "se servir d'un Rembrandt comme d'une planche à repasser". Ici c'est l'objet utile qui devient uvre d'art. François de Watteville: "Le téléphone m'intéresse en tant qu'appareil d'usage quotidien. J'y trouve une structure qui se compose d'un récepteur, de numéros, de fils, d'un cadran. A partir de là je me sens libre de creer ce que je veux. Les trois principes de base de l'architecture guident mon travail. Principe n° 1: le chaos. On entre dans une cathédrale, St. John the Divine par exemple, et on se trouve, passé le portail, dans un sas en menuiserie. On se dit: Mon Dieu mais que se passe-t-il ? C'est le chaos. Puis on entre dans la nef et là, quelle harmonie ! Tout est merveilleusement proportionné, comme une uvre musicale. C'est le principe n° 2. Ensuite on arrive au pied de l'autel. Le troisième principe est matérialisé par le petit réceptacle qu'on ouvre pour y découvrir quelque chose: le joyau. "A distance mes téléphones déconcertent. On n'y croit pas. Cet étonnement est la première réaction de tous ceux qui décrochent le combiné. C'est le chaos. Puis on entend la tonalité, on identifie les numéros, le cadran, le récepteur. On comprend dès lors ce qui se passe et l'on accède au principe d'harmonie. Arrive enfin le troisième principe lorsqu'on découvre la beauté de l'objet, sa forme, sa douceur et ses couleurs qui transparaissent sous le vernis. Les gens rient lorsqu'ils utilisent mes téléphones. Là réside le trésor !" Les uvres de François de Watteville sont exactement situces dans ce no man's land, cette zone de transition. cette non-frontière entre rceel et imaginaire. Mais, contrairement aux objets surréalistes, doués d'une vie indépendante, les précédents continuent à appartenir pour une part au reel, pour une part à l'imaginaire. L'imaginaire est contenu dans tout ce qui transparait de la mythologie propre de l'artiste. Formes et matières font rétérence soit au surréalisme (Dali, Masson, Tanguy), soit aux constructions navales ou aeriennes, à la physique. L'ouvrage scientifique de Richard von Mises, The theory of flight (1945), sous-tend la réllexion artistique de François de Watteville. Les titres des uvres appuient cette dimension: Four knots downwind / guatre nuds sous le vent, A long range theory / Essai de longue portée, Steady motion /Mouvement stable, The influence of gravity / L'influence de la gravité, quasi steady flow / Un écoulement presque tranquille, In the neighbourhood of a separation point / Dans le voisinage d'un point de séparation. The almosphere at rest / L'almosphère au repos. La transposition deces termes relevant de la physique, de la mécanique des fluides en particulier, en uvre d'art - car ces énoncés sont souvent à l'origine du processus de création&emdash;, confère une existence mythique à l'objet finalisé dont on ne sait s'il s'agit de vrais faux-objets ou de faux vrais-objets. François de Watteville confronte sa démarche de créateur au design industriel. Une machine peut se révéler par certains détails, le fini et les matériaux employés, être une véritable sculpture. La technique empiète sur le domaine de l'art. Ainsi l'écrivait Marinetti dans le manifeste du futurisme en 1909: "Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l'haleine explosive... une automobile rugissante, qui a l'air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de SamotArace " L Avec les téléphones de Francois de Watteville, ce principe est dédoublé car il englobe la machine et la sculpture. L'uvre d'art est aussi une machine, un téléphone. Entre 1890 et 1940, une nouvelle culture, celle de la machine, choisit Manhattan comme laboratoire. L'ile légendaire où, selon les termes de l'architecte Rem Koolhaas, "I'invention et l'expérience d'un mode de vie métropolitain et de l'architecture qui lui correspond peuvent se poursuivre comme une expérimentation collective qui transforme la ville tout entière en usine de l'artificiel, où le naturel et le reel ont cessé d'exister". La Bell Telaphone Company, du nom de l'inventeur génial du téléphone, met en place dès 1885 un réseau destiné à couvrir la totalité des territoires des Etats-Unis. L'ouverture d'une ligne Boston-New York marque les débuts du long lines system. Dès lors être ici et ailleurs devient possible. Le téléphone, qui permet de traverser instantanément les continents, de porter au loin nos pensces avec ce qu'elles ont de plus intime et ce que nous avons de plus sensuel, la voix, est un prodige aussi grand que si nous parvenlons à voler de nos propres ailes. Cinéma et littérature s'emparent du téléphone à travers lequel transitent désormais toutes les vibrations de la vie moderne. Sorry, wrong number/ Raccrochez... c'est une erreur (Anatol Litvak, 1948), Dial M. for Murder/ Le crime était presque parfait (Alfred Hitchcok, 1954), When a stranger calls/ Terreursurlaligne(Fred Walton, 1980), Ascenseurpourl'échalaud(Louis Malle, 1957), Manhattan murder mystery/ Meurtre mystérieux à Manhattan (Woody Allen, 1993) témoignent des possibilités dramatiques offertes par le téléphone au cinéma. Proust (Du côté de Guermantes, 1920) et Ponge (Pièces, 1939) révèlent le caractère onirique de 1'invention: "D'autres fois, ia provocation vient de vous-même. Quand vous y tentez le contraste sensuellement agréable entre la légèreté du combiné et la lourdeur du socle. Quel charme alors d'entendre, aussitôt la crustace détachée, le bourdonnement gai qui vous annonce prêtes au quiconque caprice de votre oreille les innombrables nervures électriques de toutes les villes du monde !" Le roman de série noire et le roman psychologique constituent le support privilégié pour exprimer le pouvoir paranolaque du téléphone. "Je venais de commencer à nouer ma cravate quand le téléphone sonna. D'un mouvement automatique, je me dirigeai vers l'appareil pour répondre, mais je m'arrêtai à mi-chemin et décidai de laisser sonner. Je retournai dans la salle de bains à la quatrième sonnerie, reconsidérai ma décision à la sixième, et allai décrocher à la neuvième. Mon correspondant semblait résolu à m'avoir, et je me dis qu'il s'agissait peut-être de quelque chose d'important. Notre foi dans le caractère sacré du téléphone est l'un des éléments constitutifs de la vie moderne. (...) Je décrochai à la onzième sonnerie" 4. La trilogie new-yorkaise de Paul Auster commence par un coup de fil reçu au milieu de la nuit qui plonge le personnage central du roman, Quinn, un auteur de thriller dans une aventure qu'il n'aurait pu imaginer et qui prend pour cadre New York, ville illimitée et lieu privilogié de rencontres fortuites: "C'est un faux numéro qui a tout déclenché, le téléphone sonnant trois fois au cur de la nuit et la voix à l'autre bout demandant quelqu'un qu'il n'était pas. Bien plus tard, lorsqu'il pourrait réfléchir à ce qui lui était arrivé, il en conclurait que rien n'est rcel sauf le hasard''. Les téléphones de François de Watteville sont autant de narrations qui véhiculent la mythologie accompagnant l'invention de Graham Bell. Ils se distinguent de ce fait par le caractère strictement aléatoire des diverses significations de l'uvre lorsqu'elle est ou non utilisce en tant qu'objet de communication. Le balancement entre la forme et la fonction, le reel et l'imaginaire, I'utile investi sentimentalement par la forme et vice versa, projettent la réalité dans l'imaginaire. "L'objet surréaliste est inébranlablement décidé à ne plus se laisser faire" écrit Dali en 1936 , François de Watteville intègre la vie à l'art, unit le rcel et l'imaginaire. Pour parvenir à ce résultat, ses uvres doivent gagner le consensus du spectateur, obtenir sa complicité. Celle-ci devient rcelle dès lors que l'objet apparait- ou se manifeste - comme une machine, que l'on passe de l'appropriation à la manipulation. En intégrant en un même concept l'objet quotidien - le tout-fait-machine -, à l'uvre d'art - le tout-fait-main -, I'objet entre dans l'ordre de la consommation culturelle comme métaphore au second degré du pouvoir socio-économique dont les ready-made de Duchamp et les gestes d'appropriation du Nouveau Réalisme étaient les expressions directes. L'art objectif, conceptuel et décoratif de la fin du XXe siècle prolonge l'âge de la machine face à l'avènement de la technoculture. Les téléphones de François de Watteville en constituent une des allégories. |
ART By Max Halperen When the Ordinary becomes Extraordinary
The Start Of A Continuous Motion, 1998 (It Works!) |
The Telephone As Fine Art Unfortunately just closed was a two-man sculpture show at the Lee Hansley Gallery. Abstract steel sculpture by Billy Lee, who has taught in the art department at UNC Greensboro since 1984 and who has a yard-long listst of honors and-exhibitions around the world, filled most of the gallery. But without a doubt the show was stolen by the delightfully surreal objects created by Francois de Watteville, each a working telephone! Born in Paris, the 32-year-old de Watteville moved to New York in 1987 and, though he was given a retrospective by the City Museum of Strasbourg in 1994, the five pieces at Hansley represent de Watteville's first solo show in the United States. At first glance, the telephones appeared to be imaginative assemblages, each with a carved wooden handset that's almost lost in the collection of shapes. A closer look revealed a set of switches or push-buttons numbered from one to 10. And if Hansley had the sculpture plugged:in, you discovered that you could dial any number you wished. Given the complex nature of the work, de Watteville had issued a necessary set of instructions with each piece: This is a sculpture that is also a machine; respect it as a sculpture, don't abuse it like a machine. The handset is made of wood and is the most delicate part; when rnoving the sculpture out of the box, put the handset in your pocket or in your shirt so it won't dangle anywhere." There are also detailed instructions for assembly and installation, different for each piece, and warnings of the best and safest way to clean the work. The Start Of A Continuous Motion was, perhaps, the most intriguing piece in the show, On top of-a table with flowing curved edges, de Watteville had cemented a beautifully finished upside-down lute; levers emerging from the bowl were attached to numbered keys, while the handset was at some remove. This and every other piece was an,.in-your-face attack on the old modernist cliche that "form follows function." Here the function had to be somehow found in the form. |
FIGURE, FORM, FUNCTION Sculptors offer takes on humans, technology By Chuck Twardy Omitting All Items Of Higher Order, 1996 |
It is Billy Lee's peculiar misfortune to find himself paired with Francois de Watteville at RaIeigh's Lee Harnsley Gllery. Lee is an adept, even compelling, manipulator of metal and is represented here by seven sculptures scattered through two rooms of the gallery. But de Watteville inevitably upstages him in a third room with a handful-of telephones. Yes, handcrafted telephones, fully functional, that seem to have survived from a less harried era, when talking on the phone with someone was both miraculous and lesurely not something accomplished during a right-on-red or a Real Meal Deal on wheels. Born in South Africa and educated in England, Lee teaches at the University of North Carolina at Greenville and has won several awards, including the Rodin Prize in 1993. Not surprisingly, given his past his works vaguely recall the forms of certain types of African sculpture highly slylized, angular figures with stubby legs and long heads. The figure associations are just barely hinted however. There are no arms or faces, and at some point Lee's sculptures become strikingly original abstractions, planes bisecting bulbs, parallels separated by long slits, surfaces brushed and butnished, unfolding new mysteries as you walk DeWatteville a French sculptor living in New York, raises pertinent questions about beauty and utility, touch and technology, in five superbly crafted, working telephones. They are too large, and at first put you in mind of an old-tirne operator's console, minus the plugs. But they are really furniture, as opposed to furnishings, and de Watteville has given them the weathered look of Art Deco antiques. The Art Deco motif calls to mind an era on the cusp of the machine and communication ages, and a point of departure for modern design, beyond which form follows function slavishly instead of elegantly. "The Start of a-Continuous Motion" is a desk with a fold-down leg and a table top that bisects the tapered wooden box covering the wiring. Instead of a keypad, this telephone has 10 long rods attached to keys, not unlike a piano mechanism. "Omitting All Items of Higher Order" is a wall model, with a birdlike handset and a switch-box on a long panel that fades from dark brown to pale orange, with trompe l'oeil effects painted on it. These pieces question the urge toward invisibility. Our reliance on telecommunication is such that the ultimately desirable device, it would 'seem, does not exist at all, but is one with us. De Watteville keeps the tool visible, palpable and beautiful |
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Baroqueux et bédéphile, François de Watteville réinvente le téléphone. Installe a New york le jeune plasticien colmarien nous revient pour une exposidon aux muses de Strasbourg. La réfrence la plus immédiate est celle de Marcel Duchamp. De ses ready-made François de Watteville revendique d'ailleurs l'analogie: .Pour Duchamp un ponte bouteille c'est de l'art. Pour moi un télephone, c'est une sculpture.. Voire un meuble Ce qui s'explique assez bien quand on vient de l'architecture et du design En 91, Installé aux Etats Unis depuis quelques années a peine, François de Watteville se lance dans la réalisation d'un bureau, avec telephone incrusté Sans s'en douter il mettait le doigt dans un engrenage qui I'instale aujourd'hui à la limite d'une reincarnation croisoee d'Edison et de Pi cabia, période mécanomorphe. à moins qu'il ne s'agisse de Lepine. Telephones-sculptures qui temoignent d'un gout immodere pour les petites manettes, les cadrans et autres boutons qui clignotent Bref, la franche négation des joies de la miniaturisation et de la post-modernite du teléphone mobille: Watteville est un gourmand des formes qui se repandent (un te1éphone de de 2m 50 de long et d'1m de large!), et un partisan de 1'emerveillement tout "Edisonien" de l'utilisateur qui entend gresiller une voix venue du lointain.... Serge Hartmann Les denieres nouvelles d'Alsace 1994 |
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